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- Chapitre 19 - Sous la lumière des lampadaires (dernière partie)
Chapitre dix-neuvième : Sous la lumière des lampadaires (dernière partie)
Résumé :
Yuu et Touko ont enfin réussi à prendre Kamokura et Karen sur le fait ! Mais Touko annonçant que simplement les voir entrer dans son appartement ensemble n’est pas une preuve suffisante et qu’ils doivent au minimum les voir y passer plusieurs heures, les deux intrigants restèrent à surveiller les lieux.
Pendant leur planque, Touko demanda à Yuu quel avait été le déclencheur de son couple.
Après y avoir répondu, il lui retourna la question et sa raison n’ayant rien d’extraordinaire, il s’exclama “c’est pour ça que le voir te tromper ne t’affecte que si peu”…
– J’ai vraiment l’air d’être rationnelle ?
La voix de Touko résonna faiblement sous la douce lueur des lampadaires.
– Tout à fait. Au point qu’on ne pourrait pas penser que tu es trompée.
Comme réagissant à ma réponse, elle tourna à nouveau son regard vers l’appartement.
– J’ai dit tout à l’heure que Tetsuya est toujours au centre de l’action, mais en vérité, c’est une personne très triste. Ce n’est sûrement pas visible de l’extérieur étant donné qu’il est toujours instigateur ou qu’il sait défendre ses positions. Je m’en suis rendu compte à force d’être avec lui en privé. Il n’a personne pour l’aider quand il ne va pas bien.
Elle parlait froidement, comme si elle tentait de contenir et de retenir toutes ses émotions.
– C’est pour ça que j’avais décidé de devenir celle qui le soutiendrait.
Au plus elle se contrôlait pour ne rien laisser paraître, au plus son ton semblait débordant de tristesse.
… Kamokura t’es qu’un imbécile ! Tu as une petite amie si parfaite, qui tient tant à toi, et tu l’as trompée !…
Plus que de la jalousie, je sentais en moi une colère froide de regrets et de désarroi.
Elle laissa soudainement échapper un gloussement, comme un rire d’autodérision.
– Il y a quelque chose de drôle ?
En ignorant ma question, elle changea de sujet.
– Karen est vraiment mignonne. C’est pour ça qu’elle est populaire dans notre cercle.
– N’es-tu pas toi-même une beauté ? Tu es connue par tous comme la plus belle du campus !
Même si Karen était “dans le top 3 des mignonnes de notre cercle”, Touko jouait sur le terrain de toute l’université. Elles n’étaient en rien comparables.
Pensais-je jusqu’à ce qu’elle ajoute.
– Une beauté… une beauté… une beauté ? C’est effectivement ce qu’on m’a dit depuis que je suis enfant.
– Tu as sûrement dû être jalousée par les autres filles, non ?
– Un peu. Mais réfléchis-y Isshiki. Entre une fille mignonne et une beauté, laquelle sera la plus populaire auprès des hommes ?
J’étais perplexe. Entre une fille mignonne et une beauté ? Je n’arrivais pas réellement à comprendre la différence ni à trouver de réponse.
– Je ne sais pas.
– La fille mignonne dans la majorité des cas. Ce que les hommes recherchent, c’est quelqu’un qui sera mignonne dans ses interactions avec eux, et pas une beauté froide et lointaine, je pense.
– Quelqu’un qui sera mignonne dans ses interactions avec eux ?
Je répétais ses mots tels quels, sans réussir à comprendre ce qu’ils signifiaient réellement.
– Exactement. La beauté est subjective. Personne ne plaît à tout le monde. C’est pour ça que n’importe qui étant un tant soit peu dans la moyenne peut être “beau”. À l’opposé, être “mignon” c’est toucher le cœur de son interlocuteur, lui faire penser qu’on “le considère comme important”. Je pense que pour les hommes, ça leur donne le sentiment qu’ils doivent protéger de leur propre main celle qui est face à eux. Tu n’es pas d’accord ?
Avec son explication, je devais reconnaître qu’elle avait raison. La “beauté” n’est rien de plus qu’un “arrangement esthétique de son apparence”, dans un sens, une caractéristique physique.
Au contraire, être “mignon” est une caractéristique psychologique, qui relève du ressenti, exacerbant la volonté de protéger l’origine de ce sentiment et de vouloir le faire sien.
Touko continua.
– Tu sais, depuis le collège, on me dit “certes, tu es une beauté”. Je pense que le “certes” ici est important… sûrement.
Prise dans son explication, elle avait, sans que je sache quand, tourné son regard vers l’extérieur.
– Je me demande si j’arriverai un jour à gagner contre “celles qui sont mignonnes”. Je ne deviendrai jamais celle “que quelqu’un veut protéger” de ma vie.
– Mais tu ne…
… Tu ne perds contre personne ! …
Je voulais le dire, mais avant que je puisse finir de mettre en mots mes pensées, elle tourna la tête vers moi.
– Moi aussi, je veux être mignonne ! Mais tu vois toi-même quel type de personnalité, j’ai ! Je ne peux plus me changer ! C’est tout ce dont je suis capable !
En une fraction de seconde, elle était noyée sous les larmes. Elle pleurait comme si la Touko froide et contenue n’existait en réalité pas.
Cachant son visage de ses deux mains, elle était secouée de sanglots. Rien qu’en la regardant, je savais qu’elle ne pouvait se retenir.
… Elle voulait avoir foi en Kamokura Tetsuya. C’est pour cette raison qu’elle nous a imposé toutes ces vérifications…
… Son estime de soi comme sa fierté sont ébranlées jusqu’à leur fondation…
Elle agissait comme si ça ne l’affectait pas, mais en réalité, elle était bien plus blessée que je ne l’étais moi-même.
– Touko…
Je parlais doucement, comme à un enfant apeuré.
– Tu m’as soutenu et aidé de nombreuses fois. J’en ai profité. Je…
J’attrapais tendrement ses bras.
– Laisse-moi te rendre la pareille…
Délicatement, mais avec force, je l’attirais à moi. Elle commença par résister maladroitement, mais finit par lentement coller son visage à mon torse.
Là, agrippant mon T-shirt, elle continua de pleurer.